Gouvernance : pour des approches modestes et pragmatiques

Entretien avec Robert Peccoud

Directeur du département de la recherche à l’Agence française de développement (AFD), Robert Peccoud avance ici quelques idées pour une meilleure gouvernance,  élaborée de manière « endogène », au plan national.
 
RFI : Le succès du Forum de Bamako ces dernières années signifie-t-il qu'on a besoin, en Afrique, de telles initiatives qui ne soient pas institutionnelles ? Comme si le discours sur le développement avait besoin d'être investi par d'autres acteurs, dans d'autres cadres que les espaces ordinaires où l'on en débat ?
 
Le Forum de Bamako incarne parfaitement le type d'initiatives issues de la société civile dont l'Afrique a besoin pour améliorer la qualité du débat sur les enjeux de développement. Le forum bénéficie d'un environnement favorable à Bamako, puisque le pays est réputé pour sa liberté de parole. Le Forum s'est imposé en quelques années comme un lieu de réflexion et d'échange important, avec des personnalités africaines et venues d'autres continents qui contribuent à son rayonnement, ce qui en fait une manifestation sans véritable équivalent dans la région. Encourager cette initiative et son esprit de libre débat, c'est tout le sens du partenariat que nous avons noué cette année entre l'AFD et  le Forum de Bamako, et nous serions heureux de voir émerger d'autres initiatives du même type en Afrique francophone.
 
 
RFI : Les voies d'amélioration de la gouvernance sont multiples. S'il fallait avancer - de votre point de vue - quelques priorités, capables de mobiliser au-delà du cercle des spécialistes, quelles seraient-elles ? On parle ainsi de plus en plus - et à nouveau -  de l'éducation, et de la formation des élites ?
 
Certainement, ce sont deux priorités, à condition que les élites ainsi formées ne quittent pas le pays aussitôt diplômées, ce qui est inéluctable en l'absence de perspectives d'emploi à la hauteur de l'investissement réalisé. Problématique difficile de la  poule et de l’œuf, car sans une masse critique de compétences locales, le développement est lui même bloqué, et donc la perspective de créer les emplois susceptibles de retenir les jeunes. C'est pour cela que la formation professionnelle des jeunes et des adultes, par exemple, est un secteur clé qui doit être pensé en articulation étroite avec les priorités sectorielles élaborées dans le cadre des stratégies nationales. 
 
C'est pour cela aussi qu'il me semble préférable de  privilégier en matière de gouvernance des approches modestes, pragmatiques, fondées sur l'exemplarité des pratiques et la valorisation des exemples d'innovations ou de changements réussis. Il n’existe pas de solution unique en matière de gouvernance, et l'AFD n'est pas là pour prêcher une quelconque bonne parole. Les solutions ne peuvent être élaborées que localement, de façon endogène et par des institutions nationales. Chaque pays hérite d'une culture politique et doit faire avec ; aux jeunes générations de se réapproprier leur histoire et de se mobiliser pour en tirer le meilleur.
 
L'exemple des pays qu'on a qualifié un peu paresseusement de "miracles économiques" au cours des 50 dernières années nous donne toutes les raisons d'espérer, car leur situation de départ était souvent analogue à celle des pays qui ne sont pas encore parvenus aujourd’hui à élaborer la recette de leur développement. L'histoire prouve qu'il n'y a aucune fatalité, pas plus en matière de gouvernance que de développement économique, à condition pour les peuples de reconnaître leur histoire et de s'organiser collectivement pour en infléchir la trajectoire.
 
Propos recueillis par T.P.
 
Lien sur le département recherche de l’AFD : http://recherche.afd.fr/jahia/Jahia/home/chercheur/pid/1904
 

3 Comments

Aussi vieux que le monde et l’humanité ; elle occupe aujourd’hui une place importante.
Dans les débats politiques, parlementaires et sociaux économiques.
Émigration au départ, migration sur le parcours et immigration à l’arrivée.
Aujourd’hui pays d’accueil des immigrés, les pays d’Europe ont été pendant des siècles des pourvoyeurs d’immigrants vers les amériques, mais aussi partout dans le monde.
Pourquoi partaient-ils, nombreux vers d’autres horizons ?
L’histoire n’a pas oublié que l’Europe a été la principale pourvoyeuse de personnes prêtes à tout pour partir, quitter leur continent, aller vers un nouveau monde. Chercher une vie meilleure hors de ces persécutions religieuses et autres accaparements des terres.
Nous n’oublions pas aussi les besoins qui se posaient en ces temps là ; et le manque de perspectives meilleures pour résoudre les problèmes quotidiens ajoutés à l’insécurité dans les villes et les campagnes d’Europe.
Peut- être que nous en sommes en Afrique à une telle étape dans notre marche vers le développement ; mais même la volonté aidant, il se trouve maintenant que nous avons besoins de beaucoup de moyens matériels (d’outils de travail, des machines, des usines) combinés à nos intelligences humaines ; pour produire assez et mieux ; pour valoriser nos matières premières par l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’artisanat, et la culture qui sont nos moyens premiers. Mais c’est avec fierté que les africains vont à l’aventure.
Car malgré le caractère économique et social du déplacement nous savons tous que cela demande du courage et de la bravoure d’un bon niveau.
Ils ont la volonté forte de réussir et une détermination hors du commun.
Cette volonté de changer les choses, de réussir, de bâtir une nouvelle vie, c’est cette même volonté qu’il faut entretenir en eux, pour se réaliser chez soi. Au delà de la culpabilisation du retour et des méprise de son entourage. Les réponses doivent bénéficier à tous.
Parce que le retour forcer est chaque fois ressenti comme un échec, une cassure dans la vie d’un expulsé. La culpabilisation de l’échec du projet migratoire est lourde et douloureuse.
Avec courage et modestie nous sommes de nombreux africains à vivre en paix et en bonne santé chez nous en Afrique avec le bon espoir d’aider, partager et de construire nos initiatives afin d’apporter chacun la pierre pour consolider le mur du développement de nos pays aimés.
Nul ne quitte son pays s’il n’y est pas contraint par : la misère, la pauvreté, l’insécurité ;
certainement par manque d’alternative aux besoins vitaux.
Les catastrophes naturelles, les crises économiques, et le déficit de formation sont le lots quotidien des pays du sud, ainsi donc c’est de là aussi que part de nombreuses personnes vers les pays prospères, et riches, développés, havre virtuelle de la liberté et de la santé.
L’émigration est source de revenus pour la famille et le pays d’origine de l’immigré
Cela permet à la famille d’échapper à la pauvreté ; et de participer au développement de la collectivité locale.
L’immigré est considéré de fait comme un acteur majeur du développement tant du pays d’accueil que du pays d’origine. Le retour forcé est toujours ressentit par l’expulsé et sa famille comme une injustice faite à quelqu’un qui n’a fait qu’aller ailleurs ; essayer de changer les conditions de vie de sa communauté et de sa personne.
Étant le principal pourvoyeur de revenus pour la famille et la communauté, l’immigré voit et ressent l’expulsion comme un échec, de la découlent les conséquences (effets) du retour forcé.
Après mille sacrifices pour partir, le voila presque marginal, démuni et sans courage de rejoindre sa communauté. Qu’en est-il de ses droits fondamentaux d’individu sain et libre.
Partit pour renforcer ; il est involontairement retourné pour ré-reconstruire après l’échec.
Toute son énergie restante, sera utilisée pour repartir. Comment reprendre pieds en local.
Quand cela va-t-il aboutir à un avenir meilleur pour l’expulsé et pour les personnes qu’il aidait. Après plusieurs années d’absence dans le pays d’origine souvent n’ayant aucun repère.
La création d’unités et d’activités productrices locales, capable de les retenir, de les fixer pour leur redonner l’espoir perdu est une des réponses à cette préoccupation.
Il faut que le mythe de l’exil, du mieux ailleurs s’éteigne pour donner vie à un nouvel espoir de réussir chez soi, pour sa communauté et son pays. Être acteur d’un développement social.
La réinsertion de l’expulsé dans le tissu socio-économique à travers des projets générateurs de revenus lui redonne confiance à rester pour se réaliser. Une valorisation de l’individu dans son milieu local après la démystification du mieux être ailleurs par la sensibilisation tous azimuts.
Car, c’est par le manque de moyens et d’outils de travail qu’il va chercher mieux ailleurs.
Étant pour la plupart issus de milieux ruraux et cultivant la terre, ils seront en phase avec l’environnement de mise en œuvre des projets d’agro-pastorale et sauvegarde de l’environnement.
L’expulsé doit être partie prenante intégré dans l’initiative d’insertion par les responsabilités et les perspectives qu’on lui offre et s’adapter aux outils de gestion, de suivi et de contrôles.
En fait il s’agit de l’intéresser et le faire participer à la mise en œuvre du programme.
Il est temps de leur donner ici ce qu’ils vont ailleurs chercher par tous les moyens
Il est temps qu’on redonne espoir à ceux qui ne pensent plus pouvoir se réaliser chez soi.
Ceux qui reviennent d’où ils ont tout entrepris pour atteindre ; arrivant où ils ont tout sacrifiés pour quitter. Ces désespérés dont les passeurs clandestins commercialisent l’espérance.
Pourquoi on lui refuse d’aller chercher ce qu’il ne peut pas trouver ici ?

Bonsoir à toutes et à tous,

Félicitations pour cette heureuse initiative de RFI qui va me permettre - alors que, à mon grand regret, je ne peux cette année me joindre aux nombreux amis du Forum de Bamako - d'y participer quelque peu.

Ce sera, tout d'abord, pour partager les propos de monsieur Robert Peccoud sur la formation et la gouvernance.

Mais aussi pour y ajouter clairement une dimension qu'il partage certainement : celle de l'Homme qu'il convient au plus tôt de réintroduire au cœur des rapports économiques et financiers mondiaux.

Quelle que soit la qualité des formations dispensées dans les Pays aujourd'hui "au bord du chemin", très peu d'espoir ne leur est permis dans un système économique mondial qui ne mesure son efficacité qu'en termes de développement : du commerce mondial, des flux financiers internationaux et des profits d'actionnaires sans la moindre vision humaniste et universaliste.

Sans un nouvel ordre humaniste mondial et de nouvelles règles économiques asymétriques au service de l'Homme, de tous les Hommes comprenant enfin qu'ils partagent une planète devenue commune où personne ne devrait plus se réjouir ni de la montée ni de la baisse des cours de produits essentiels, ni de la raréfaction ni de la possession de biens publics mondiaux... les pauvres continueront à enrichir les riches, les médecins et personnels paramédicaux formés en Afrique continueront à être aspirés par les Etats de l'OCDE, les piétons des pays développés continueront par la TVA à financer les primes et bonus
alloués à ceux qui changent de voiture, etc. Un monde à l'envers !

Je souhaite plein succès au Forum de Bamako et de l'audace, beaucoup d'audace pour aborder notamment la question d'une nouvelle Gouvernance du Monde, d'un Monde dont chaque citoyen, chaque groupe de personnes, partout dans le monde, se sentiraient solidaires de tous les autres citoyens et groupes ayant notre planète en partage, ceux d'aujourd'hui comme ceux de demain !

Ala ka dwaw miné !
JG

Bravo pour les organisateurs.
Quelques questions sur le developement en Afrique:
1- Comment reveiller les consciences afin d'entamer un development endogene tout en sachant que l'agenda en matiere de gouvernance ainsi que les politiques et strategies est dictee par des acteurs externes (donc pas endogenes)?
2- Oui l'education est la solution car avec une masses critique de personnes eduquees, il y aura une amorce de developement (decollage). Cependant, faute de qualite et d'equite en matiere d'education, comment creer ce decollage?
3- Enfin, quelles lecons de developement faudrait-il tirer de la crise alimentaire de 2008 et aussi des crises financiere et economiques actuelles?